Il était impossible d’imaginer cette année-là à l’avance ! La réalité a largement dépassé la fiction. Quel bilan de l’entrepreneuriat en 2020 pouvons-nous faire ? Tout un !

Ode à la résilience des entrepreneurs

Le 15 mars 2020, la vie de millions de gens a été bouleversée. Nous le savons. Certaines personnes ont des habiletés plus naturelles que d’autres pour faire face au chaos : les entrepreneurs ! Et c’est ce qu’ils ont démontré tout au long de l’année. 

S’informer, revoir leur plan d’action, être mal informés, revoir leur plan d’action, prendre des décisions difficiles, revoir leur plan d’action, congédier avec tristesse des collaborateurs, revoir leur plan d’action, réembaucher avec joie, revoir leur plan d’action, changer leur mode de travail, rassurer les employés, s’ajuster aux nouvelles réalités de consommation, tenter de prévoir l’imprévisible… ET ENCORE revoir leur plan d’action : tel est ce qu’ils ont dû faire et vivre !

Les entrepreneurs ont réussi à maintenir l’économie du Québec à flot et même à assurer une croissance dans un contexte de tempête mondiale. Chapeau pour cette résilience au quotidien !

Ralentir pour se réinventer grâce à une grande créativité

Nous pourrions presque dire, fort heureusement, la « fermeture » de l’économie du Québec nous a tous permis de ralentir. Pendant cette période, plusieurs entrepreneurs ont recentré leurs stratégies d’affaires.  Pour une grande majorité, cette période a été cruciale. Fini les activités extraentreprises, le report des projets de croissance, la révision des modes de gestion, la consolidation des bons clients. Dans l’adversité, on reconnaît les employés et les partenaires clés prêts à collaborer et à retrousser leurs manches et ceux qui sont centrés sur leur nombril. Cela ouvre les yeux ! D’autres entrepreneurs ont carrément réinventé l’entreprise. De toute évidence, le chaos et la créativité font bon ménage !  

Au cours de la relance économique, les entrepreneurs ont fait preuve, une fois de plus, d’une créativité hors du commun ou ont mis leur entreprise à niveau, notamment en ce qui a trait au commerce en ligne, au service client, au télétravail, à la conciliation travail-famille, etc.

Cela dit, j’ai constaté que les entreprises bien structurées dont les modes de gestion sont à l’avant-garde ainsi que les entrepreneurs bien entourés ont pu s’ajuster rapidement et profiter d’une forte croissance dans certains secteurs de l’économie.  

Deux vitesses de croisière

En juin, nous avons clairement constaté que l’économie fonctionnait à deux vitesses.

D’une part, il y avait les entrepreneurs qui roulaient à fond la caisse, avec un grand soutien public, et qui ont même amélioré leurs résultats financiers. En plus d’être confrontés aux enjeux de la COVID-19, ils ont eu à naviguer entre les problèmes classiques de croissance (approvisionnement, délais, surchauffe opérationnelle, etc.) et ceux plus circonstanciels de main-d’œuvre : absentéisme, insécurité, maladie, fatigue, gestion à distance sans outils performants, etc.

D’autre part, il y avait les entrepreneurs qui voyaient ralentir considérablement les activités de leur entreprise sans disposer d’énergie, de ressources, de solutions, ni de liquidités pour y remédier. Ce sont les grands perdants de cette crise. Sauront-ils se relever en 2021 ? Espérons-le.

L’entrepreneuriat s’invite ou s’impose dans la maison

Il est déjà parfois difficile pour quelqu’un de vivre avec un conjoint entrepreneur (partager sa vie avec un entrepreneur) ou d’être l’enfant d’un parent entrepreneur (grandir dans une entreprise familiale qui grandit). Quand, en plus de tout ça, le chaos des affaires doit se gérer dans la maison, l’harmonie familiale peut être menacée sérieusement. Une grande pression et un stress persistant se sont invités dans les foyers. Au même moment, les enfants faisaient l’école à la maison… eux aussi devaient s’adapter… ouf !

Si vous n’êtes pas en affaires… vous aurez sans doute de la difficulté à comprendre la tension que crée cette réalité, la pression qu’elle exerce, les enjeux financiers ou de relève d’entreprise qu’elle soulève.

Quand j’ai quitté la maison pour les études, j’ai compris à quel point, elle faisait partie de toutes les discussions de famille. Je me suis sentie littéralement libérée de l’entreprise. Je sais qu’il est parfois difficile de savoir où tracer la frontière entre l’entreprise et la famille, mais cela se fait. C’est une discipline qui s’acquiert et qui doit être maintenue par respect pour tous les membres de la famille. Souhaitons que cette période des fêtes soit dédiée à vos proches. C’est le grand temps d’une pause entrepreneuriale !

La politique entrepreneuriale : un moment propice historique

Nous avons eu de la chance : notre entité politique est fortement entrepreneuriale. En effet, notre premier ministre, François Legault, est un entrepreneur et agit comme tel. Il a su s’entourer d’une équipe résiliente et capable de communiquer et de prendre des décisions difficiles. Qui plus est, il a montré un courage admirable en faisant preuve d’humilité par la remise en question de ses propres décisions, notamment celles qui touchaient le cœur des gens, cela pour le bien commun. Merci de prendre soin de nous. Vous inspirez la confiance et le leadership humain.

Achat local

Je ne suis pas encore capable de me positionner sur l’initiative du Panier Bleu et je ne suis pas la seule. Mais force est de constater que, quand les frontières se referment et quand l’étranger nous effraie, nous consentons à nous assurer de la provenance de nos produits, et s’il le faut, payer un peu plus cher pour de la marchandise locale. Et ça nous rend fiers et solidaires. De mon côté, quand je prépare les lunchs, je me dis que les ingrédients qu’ils contiennent sont locaux et parfois bio. Il me semble que « ça goûte mieux » et qu’acheter localement est valeureux.

Hommes en affaires délaissés

Je suis une femme. J’ai été PDG de Femmessor et, au terme de cette année, je commence à avoir un malaise. Je me pose la question : « À force de tenter de corriger des inégalités en créant des structures et des programmes par clientèle, notamment pour les femmes, ne créons-nous pas en même temps d’autres exclusions ? » En fin de compte, serions-nous capables, grâce au bagage que nous avons acquis dans ce type d’organisations spécialisées et ailleurs, d’intégrer le tout dans les structures existantes ?  

Nous savons que la diversité est la clé. Avant de mener nos actions politiques et économiques, faisons une analyse différenciée des besoins par clientèle et adaptons nos offres en conséquence. En 2021, il faut créer des ponts entre les genres, reconnaitre la différence dans toutes nos organisations et gérer en conséquence.

L’énergie pour se réinventer

Pour trouver le courage de se réinventer, il faut être en forme, avoir de l’énergie et être en mesure de se concentrer. Or, ça n’a pas été le cas pour tous. Prendre soin de soi et de son équipe en tout temps est fondamental. C’est comme une police d’assurance qui, en cas de crise, nous assure que notre équipe (et nous-mêmes) avons la capacité de redoubler d’efforts pour créer et innover.

Et la santé pour être bien en affaires

Cette pandémie nous rappelle l’importance et la fragilité de la santé de tous les chefs d’entreprise et des membres de leurs équipes. En cette fin d’année, la plupart des gens ressentent une grande fatigue. J’oserais dire qu’elle est profonde chez plusieurs dirigeants et peut déclencher des enjeux encore plus sérieux de santé mentale.  Fort heureusement, le Québec avait déjà fait quelques pas en matière de santé mentale des dirigeants. Il faudra peut-être pousser une peu plus loin, car l’hiver sera long et froid.

Des entreprises ont fermé. Des entrepreneurs ont perdu ce qui donnait du sens à leur vie. Le découragement guette nos dirigeants en situation « temporaire » d’échec.  Pouvons-nous dès maintenant, mettre en place des programmes de « RE-START » d’entrepreneurs? Monsieur le Ministre de l’Économie, j’ai un programme clé en main pour remettre nos entrepreneurs sur les rails de la fierté, pour reprendre confiance en eux, capitaliser sur leurs expériences et leurs acquis, afin qu’ils reprennent rapidement la voie de l’entrepreneuriat.

En définitive, peu importe l’état de vos affaires, pour vous relever ou vous réinventer, il vous faut puiser à même votre essence humaine. En 2021, il importe de prendre soin de soi avant de prendre soin des autres et de reprendre le contrôle de sa vie pour mieux reprendre le contrôle de son entreprise. Se recentrer, calmer son hamster, se ressourcer profondément, diversifier ses sources de bonheur, cesser de se définir par notre titre, mais plutôt par ce qui nous rend heureux en dehors du boulot.

En pleine tempête, je me répète quelques phrases clés pour me sortir de mes impasses :

Ceux qui sont habitués à mes bilans formels de l’entrepreneuriat trouveront celui-ci légèrement différent. Je vous le concède et je l’assume pleinement!

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D’intrapreneure à entrepreneure, Nathaly Riverin a initié plusieurs projets en entrepreneuriat au Québec, notamment l’Indice entrepreneurial, les communautés entrepreneuriales et l’approche unique de l’École d’entrepreneurship de Beauce, entreprise qu’elle a co-créée et dirigée de 2007 à 2014. Économiste de formation, elle s’est spécialisée en entrepreneuriat et stratégies et cumule plus de 25 ans d’expertise dans ces domaines. Elle occupa différents sièges notamment celui de VP recherche et développement de la Fondation de l’entrepreneurship, de DG de l’EEB et de PDG de Femmessor. En 2017, elle créait Rouge Canari, une entreprise-réseau dédiée au développement des connaissances et des compétences des entrepreneurs et des acteurs de l’écosystème entrepreneurial. Elle accompagne, forme et mobilise les entrepreneurs et leurs équipes et se passionne particulièrement dans le développement de projets d’envergure comme le nouveau sommet provincial sur l’intrapreneuriat SPINE ou La classe des entrepreneurs. En 2014, Mme Riverin fut reconnue aux Mercuriades de la FCCQ pour sa contribution en entrepreneuriat. Elle siège actuellement sur le CA de l’École des gouverneurs de l’UdS et sur quelques comités aviseurs d’entreprises privées.

J’ai récemment dressé mon bilan des 10 dernières années en entrepreneuriat (la décennie qui a transformé l’entrepreneuriat au Québec). En résumé, ce fut la décennie de l’entrepreneuriat. Tous les acteurs de notre économie se sont mobilisés pour valoriser et faciliter la croissance de nos entrepreneurs et de leurs entreprises mettant ainsi l’entrepreneuriat au cœur des stratégies de développement économique. Ce faisant, cela a aussi permis de construire les bases d’un écosystème entrepreneurial de soutien plus performant. 

De son côté, faisant face aux défis de relève et de pénurie de main-d’œuvre, l’entrepreneur aussi a progressé :

Fort heureusement, car pour faire face aux nombreux défis actuels, seuls et sans actualiser ses connaissances et ses compétences, l’entrepreneur ne pourra pas traverser les tempêtes à venir. On sent déjà des signes de la fragilité humaine dans les récentes études sur la santé mentale des chefs. Plus la pression est grande, plus c’est difficile à encaisser. Quelles sont ces tempêtes ? J’en identifie au minimum trois… de catégorie 5 ! Et comme tout bon météorologue, je peux me tromper…

Mais quel entrepreneur va surmonter toutes ces tempêtes ?

L’entrepreneur qui va réussir aura trois qualités : la capacité d’apprendre et de décider malgré la complexité, la capacité de mobiliser les humains et de les considérer avec bienveillance (avec soi en premier), la capacité de faire preuve de courage stratégique pour faire évoluer son entreprise et ses employés au rythme des changements. Autrement dit, vivre l’entrepreneuriat en sortant constamment de sa zone de confort. Il va falloir être en forme et bien entouré !

L’entrepreneur solitaire sera nettement désavantagé au profit des équipes entrepreneuriales, multicompétences, multidisciplinaires et multiréseaux. D’où l’importance de développer la force de la mobilisation et la capacité de construire des idées et des projets en équipe. Ce n’est pas donné à tous les chefs de « partager » leur vision. Pour plusieurs, c’est extrêmement exigeant sur le plan des communications et de l’égo. 

Et comment accompagner l’entrepreneur du futur ?

Donc l’économie va vite et je m’interroge. Comment nos écosystèmes de soutien à l’entrepreneuriat peuvent suivre à ce rythme ? Honnêtement, c’est bien connu, le secteur privé et le secteur public ne vont pas à la même vitesse. Est-ce que la refonte d’IQ et du MEIE va permettre cette vélocité en 2030 ? Comment des organisations qui ont des structures très lourdes peuvent-elles être proactivement à jour dans leurs services pour des entreprises qui iront deux fois plus vite ?

Comment avoir l’acuité stratégique requise et la bonne vision ? Avec une gouvernance allégée et une capacité de décision courageuse. C’est bien parti, je crois. De toute façon, avec les facilités de communication, on peut penser qu’il y aura moins de place aux décisions politiques et intéressés. On peut facilement imaginer qu’en 2030, les données acquises par IA parleront très fort et guideront davantage nos choix politiques et économiques.

Cela dit, on n’a pas de temps à perdre ! Le gouvernement du Québec et l’aide à l’entrepreneuriat doivent prendre un virage technologique complet pour finaliser le grand ménage amorcé avec Services Québec. Le plus bel exemple de virage à succès nous vient du fédéral, de la BDC en particulier, avec l’outil des prêts en ligne jusqu’à concurrence de 100 k$. L’outil réduit de 80 % l’ouvrage des conseillers et analystes qui peuvent faire une différence autrement dans toutes les régions. La BDC peut même prendre plus de risques ou offrir des conditions plus avantageuses aux entrepreneurs, car l’outil coûte vraiment moins cher de main-d’œuvre et de paperasse.  

Sur la question des points de service en région avec la fusion potentielle de IQ et MEIE, cela relève de l’évidence dans la mesure où l’on garde les gens d’expérience.

Se réinventer en continu

Il faudra accepter de célébrer les succès d’organisations qui auront atteint leur finalité ! Ça prend de l’agilité dans tout… Dans les politiques et les stratégies gouvernementales encore plus. Dans 10 ans, on ose espérer que les disparités entre les clientèles entrepreneuriales auront disparu tout comme les organisations créées pour les desservir (Femmessor notamment). Les organisations en entrepreneuriat auront le défi de se spécialiser dans la gestion des humains. On aura à faire avec des équipes entrepreneuriales composées d’hommes et de femmes, de jeunes et de moins jeunes, d’une belle diversité culturelle…. donc ça va de soi.

Exit aussi les programmes conçus uniquement pour la création d’emplois et la réinsertion sociale… Il y a de l’ouvrage pour tout le monde au Québec pour au moins 10 ans donc ça ne sert à rien de mettre de l’argent dans les OBNL crève-faim.

Exit la course effrénée aux investissements étrangers pour attirer des géants dans notre cours. À moins de compenser les entreprises locales qui payent leurs impôts ici par des subventions pour qu’elles gardent leurs employés au cas où.. Autrement, on s’achète du trouble comme dirait l’autre…

Une vision 2030 qui rallie

Dans 10 ans, parce que nous serons dirigés par des leaders authentiques et inspirés, nous serons tous heureux au travail, assis sur notre bonne chaise, notre milieu de travail sera sain et l’organisation sera bienveillante à l’égard des humains et de l’environnement. Les machines se taperont la job plate et nous, en équipe mobilisée, nous aurons la légitimité de créer le futur de nos entreprises main dans la main avec nos dirigeants. Nous pourrons intraprendre pour conquérir la planète et la teinter du meilleur de ce que nous sommes. Entre temps, on a tous de l’ouvrage !

J’adore les rituels ! Depuis la création de Rouge Canari, je m’applique à faire un bilan annuel des éléments marquants en entrepreneuriat (Coups de cœur 2018) et des projections sur les tendances à surveiller l’année suivante (que nous réserve l’année 2019 en entrepreneuriat ?). Mon intention est toujours la même : faire avancer notre « industrie de l’entrepreneuriat pour le bénéfice commun ».  

Nous changeons de décennie donc cette fois j’ai pensé faire le bilan 2010-2020 et dans un autre article, pourquoi pas, je prends le risque de tous nous projeter en 2030… C’est cette phrase qui m’a inspirée :

« Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le. L’audace a du génie, du pouvoir, de la magie. »

Goethe

Qui sait ce que ça donnera ! Allez vous chercher un café, c’est un article plus long qu’à l’habitude.

2010-2020 | La décennie de l’entrepreneuriat

Si cette décennie doit être résumée en une phrase alors ce serait sans doute celle-ci :

« Dans l’histoire du Québec, ce fut définitivement la période la plus effervescente pour l’entrepreneuriat québécois. On pourrait même la comparer au boom du Québec inc. des années glorieuses. Sa différence réside dans la démocratisation de l’entrepreneuriat. Tous les écosystèmes économiques, politiques, éducatifs, médiatiques, privés et institutionnels se sont mobilisés pour faire du Québec un lieu d’éclosion et de croissance pour nos entrepreneurs. » Quel travail d’équipe ! Et les résultats sont probants.

Quels furent les éléments déterminants ? En voici quelques-uns.

« BACK TO SCHOOL » POUR ENTREPRENEURS

2010 fut sûrement l’année la plus marquante pour moi. Nous avons mis au monde l’EEB, l’école pour entraîner l’élite des affaires. Le projet est parti d’une idée (pas si) folle : celle de créer une école pour entrepreneurs en Beauce. Je garde le souvenir précis d’un moment, celui où Michael Sabia est dans les locaux de l’ancienne Auberge Arnold en pleines rénovations. « On s’excuse, il y a de la poussière partout ! », disait-on naïvement. Mais on souhaitait que cette école devienne l’épicentre de l’entrepreneuriat au Québec. 

Goethe avait raison. La magie a opéré.

Ce fut déterminant pour l’entrepreneuriat québécois. Ce lieu d’entraînement pour entrepreneurs a mobilisé les grands entrepreneurs du Québec pour former la relève entrepreneuriale. La création de l’EEB et son impact sur les entrepreneurs, conjuguée à l’implication des grands entrepreneurs du Québec dans notre écosystème entrepreneurial, ont eu un effet papillon incroyable.

En 2020, les entrepreneurs de tout âge ont accès à des formations de toute nature. Le camp CEED a inspiré plusieurs régions à créer leurs camps d’entrepreneuriat pour jeunes. Les écoles et les programmes de formation pour entrepreneurs voient le jour partout au Québec. Clairement le développement des compétences entrepreneuriales des entrepreneurs s’est invité dans notre décennie et ce qui a propulsé la croissance des chefs et des entreprises.

LA CDPQ ET L’ENTREPRENEURIAT

Parlant de Michael Sabia, il est évident que son passage à la tête de la CDPQ a redonné une bonne bouffée d’oxygène à l’écosystème entrepreneurial. Ayant la capacité de fédérer et de rassembler les entrepreneurs et le milieu institutionnel, ayant la capacité de supporter financièrement des initiatives nouvelles et d’envergure (Indice entrepreneuriale, devenir entrepreneur, Cheffe de file, Initiative intrapreneuriale, Académie de la relève entrepreneuriale, EEB…), plus « business oriented » que politique, avec des ambitions légitimes pour tout ce qu’elle entreprend, notamment le projet rassembleur de l’Espace CDPQ, le leadership de la CDPQ, sous la direction de Michael Sabia et de son équipe dédiée a propulsé cette décennie en entrepreneuriat.

Merci pour votre vision Monsieur Sabia.

DRAGON et DRAGONNESSE

L’autre mouvement marquant de cette décennie fut incontestablement l’arrivée de l’entrepreneuriat dans la « star système » québécois. En effet, en 2012 l’entrepreneuriat se pointait dans les salons de tous les Québécois grâce à l’émission Les Dragons. Quelle belle occasion d’éduquer les gens à l’importance et aux exigences de l’entrepreneuriat ! La popularité de l’émission fut remarquable.

Qui plus est, l’entrepreneuriat a trouvé des voix. Plusieurs dragons sont devenus de fiers ambassadeurs de l’entrepreneuriat. Mme Henkel, M. Beauchemin, M. Lambert… Ces entrepreneurs à succès sont devenus des « vedettes » invitées aux tapis rouges des soirées glam ! On n’a jamais vu ça auparavant.

Mieux encore, ils ont sauté dans l’arène et enrichi les débats publics. Enfin, des entrepreneurs s’expriment publiquement pour émettre leurs opinions d’entrepreneurs. La diversité d’opinions, ça fait du bien et ça permet de nourrir la culture entrepreneuriale du Québec. En même temps, je ne sais pas comment ils font pour avoir une opinion sur tout… Bravo ! J’en suis incapable !

L’ABOLITION DES CLD

Plus discret pour le commun des mortels, ce changement dans les structures d’accompagnement au développement économique s’est opéré en 2014. Je dois avouer que j’y étais favorable. J’ai souvent eu l’impression que les CLD passaient 50 % de leur temps à faire de la politique pour protéger leurs arrières et 50 % à livrer leur mandat. Sur les territoires, ça donnait un feeling : nous sommes les seuls légitimes en entrepreneuriat et personne d’autre ne doit initier des projets sauf nous. C’était limitant voir intimidant.

L’après CDL s’est décliné de toutes sortes de façons sur les territoires des MRC et des villes. Les villes en ressortent gagnantes, car avec le soutien des élus, plusieurs ont propulsé leurs services en entrepreneuriat, mais les territoires plus petits et moins organisés en souffrent encore par manque de ressources dédiées ou de soutien politique. 

Quoi qu’il en soit, les territoires qui en ressortent gagnants sont ceux qui su partager le leadership et travailler en collaboration avec les divers acteurs de l’entrepreneuriat pour la cause, et non pour leur cause. Ce changement a clairement donné des ailes à Montréal qui finit la décennie au palmarès des écosystèmes concertés et de villes dynamiques en entrepreneuriat. Shawinigan, Laval et Québec ont toutes trois bien tiré leur épingle du jeu.

Tout compte fait, ce fut la bonne décision, car l’entrepreneuriat s’est démocratisé et plusieurs acteurs ont eu de l’espace pour s’engager en entrepreneuriat au-delà des CLD. Pourvu que l’on retienne la leçon. Il faut faire attention de créer des organisations parapubliques si grandes, si bien supportées politiquement, qu’il devient impossible d’adapter les stratégies de développement économique et d’entrepreneuriat.

UNE STRATÉGIE GOUVERNEMENTALE EN ENTREPRENEURIAT

Parlant de stratégies et de grandes organisations, nous avons assisté à la consolidation de la stratégie gouvernementale autour des grands axes de l’entrepreneuriat (valoriser, développer, soutenir, optimiser, dynamiser) avec l’intention de légitimer l’entrepreneuriat comme stratégie québécoise et d’assurer une cohérence entre tous les acteurs et leurs pratiques en entrepreneuriat. Il y a eu des nouveautés comme celle de mobiliser les entrepreneurs et les acteurs clés de l’entrepreneuriat en créant les « Tables régionales en entrepreneuriat » et de consulter les entrepreneurs et les acteurs à chaque renouvellement de plans. C’est mobilisant.

Parallèlement, un travail de consolidation des organisations régionales financées fut amorcé (CTEQ, FEMMESSOR). Cette centralisation a permis à ces deux organismes de se propulser et d’avoir plus d’impacts provincialement. Évidemment, toute centralisation réduit la capacité et le leadership en région. On ne peut pas avoir le beurre et l’argent du beurre !

On pourrait dire que la stratégie est déployée et « rodée ». L’entrepreneuriat au Québec a connu une percée exponentielle et il n’y a aucune clientèle mal desservie. Une autre mission accomplie. Les rôles, responsabilités et budgets sont dédiés, le MEIE a choisi ces acteurs clés, et personne d’autre, pour livrer les ambitions du gouvernement. Les changements qui s’opèrent chez Investissement Québec donneront sans doute un autre coup de barre à l’écosystème. L’histoire nous démontre que ces grands ménages de structure sont positifs ! Je vous exposerai mes quelques idées là-dessus dans mes projections 2020-2030.

MONTRÉALISATION de l’entrepreneuriat

Cela dit, en lien avec la centralisation des organismes et un renouveau du leadership montréalais en entrepreneuriat, et ce fort leadership de la CDPQ (Espace CDPQ), on observe que l’écosystème entrepreneurial de Montréal a pris le leadership québécois en entrepreneuriat. D’autres initiatives créées en fin de décennie viennent confirmer cette tendance : l’École des entrepreneurs du Québec, Expo-Entrepreneurs, la Main (mouvement des accélérateurs d’innovation), Entreprendre ici (diversité culturelle).

Au début de la décennie, ce leadership québécois en entrepreneuriat était plus près du politique, dans la Capitale-Nationale, notamment dans les mains de la Fondation de l’Entrepreneurship et du Concours québécois en entrepreneuriat.

MISSION ACCOMPLIE

En 2010, l’objectif consistait à encourager l’entrepreneuriat globalement pour stimuler les emplois et le développement économique de nos régions. Pari réussi.

En 2020, célébrons l’impact considérable de cette décennie sur l’entrepreneuriat. Mieux structurés comme écosystème, mieux outillés pour relever des défis plus grands, mieux financés pour livrer des services de qualité, compétences collectives propulsées, nous sommes définitivement mieux positionnés pour affronter la prochaine décennie qui regorge de défis encore plus ambitieux. Une chance pour nous, il y a encore beaucoup à faire ! 

So what pour nos entrepreneurs ? Ils sont devenus notre fierté nationale et nous les remercions ! Gageons qu’ils se sentent mieux en 2020 ?

Surveillez mon prochain billet sur mes projections 2020-2030 !

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