Blogue

Frôler la faillite en passant par les comptes spéciaux

Par Nathaly Riverin


Ce n’est pas la fin du monde sauf que…ça laisse des traces.

Échouer. Les gourous de l’entrepreneuriat nous disent que ça arrive à tout le monde, que cela fait partie du processus, du risque, et qu’on doit dédramatiser la situation.

Oui.

Mais quand c’est notre maison et notre réputation qui est sur la ligne, contempler la faillite peut faire mal. Très mal.

Isabelle a accepté de témoigner de son expérience. Isabelle n’est pas son vrai prénom. Parce qu’elle est capable de parler de sa chute, mais pas à visage découvert. 

Après ses études, elle se loge dans l’entreprise familiale quelque temps, puis décide de voler de ses propres ailes. Les choses vont bien : elle a un talent pour développer ses affaires. Rapidement, elle se trouve de gros clients. Des comptes qui lui demandent de gérer d’importantes liquidités. Les paiements tardent, la pression s’accentue, les banquiers ferment leurs portes. Pour s’en sortir, elle vend, mais reste comme salariée pour aider à remettre le tout  sur pied. Un jour, elle s’aperçoit que la compagnie a été mise en faillite. Les employés viennent la voir, stupéfaits, désespérés. Certains l’engueulent, saisis par l’émotion. Elle-même ne sait où donner de la tête : personne ne l’avait mise au courant.

Le coup est dur et elle a encore des dettes. Elle retourne dans le giron familial, rembourse tout, prend les rênes de la compagnie avec un associé. Et là encore, malgré toute sa bonne volonté, malgré le fait qu’elle jure avoir géré l’entreprise de la manière la plus serrée, la plus efficace possible, la fatalité frappe de nouveau. Deux clients décident de ne pas payer. Les sommes sont astronomiques. Elle se retrouve aux comptes spéciaux de son institution financière. Le cauchemar. 

« Je n’ai jamais vécu une période aussi stressante de ma vie », dit-elle. Elle passe le clair de son temps à tourner ses chiffres de tous bords, tous côtés. La banque l’accuse de mentir dès qu’un chèque ne rentre pas le jour prévu. Elle perd son sommeil, ses cheveux. Elle a du mal à réfléchir. Heureusement, l’équipe en place ne la laisse pas tomber et finit par trouver une solution. La plupart des emplois sont sauvés, les dettes remboursées. 

Deux fois, elle a frôlé la faillite, deux fois elle s’en est échappée. Elle a payé tout le monde, ne doit rien à personne. Pourtant, la douleur est vive, la plaie tarde à cicatriser. Encore aujourd’hui, elle en vit les séquelles.

« J’aurais eu besoin d’une personne qui m’aide à rationaliser, qui me permette de comprendre que c’était de la malchance dit-elle. On peut aller voir un psy pour ce qui se passe dans notre tête, mais pas pour l’entreprise. Quelqu’un qui aurait été en mesure de me coacher à la fois pour que je me sente mieux et pour développer des solutions, c’est ça que ça m’aurait pris. »

Son message : si vous êtes dans cette situation, il y a des moyens qui existent. N’hésitez pas à lever la main, vous vous en remercierez plus tard.