
Le fil conducteur des coupures dans l’écosystème entrepreneurial
Par Nathaly Riverin
À force d’essayer de comprendre, j’ai enfin trouvé le fil conducteur entre tous ces organismes que le gouvernement actuel a choisi de couper.
Il s’agit de six organismes qui, depuis des décennies, mobilisent la communauté d’affaires dans toutes les régions du Québec pour soutenir des milliers d’entrepreneurs, tout en réduisant les coûts gouvernementaux liés au soutien à l’entrepreneuriat.
- Espace-inc, en région, offre de l’expertise au service des entreprises innovantes;
- Ose Entreprendre, catalyseur de positivisme, valorise l’entrepreneuriat dès l’école et reconnaît les projets d’affaires;
- La Ruche mobilise le secteur privé autour de projets entrepreneuriaux;
- Persévérance entrepreneuriale permet à des entrepreneurs d’expérience d’aider ceux en difficulté, vivant des enjeux de santé mentale ou financiers;
- Le Réseau M, fleuron mondial du mentorat, rejoint chaque année des milliers d’entrepreneurs, jeunes et moins jeunes;
- Et j’ajoute Alias Entrepreneurs, un OBNL initié par des entrepreneurs pour former et réseauter les très petites entreprises (TPE).
Six organismes distincts qui ont bâti des écosystèmes d’entraide et de collaboration, avec des missions complémentaires et cohérentes. Des structures bien rodées, efficaces et profondément ancrées dans le terrain.
Au total, ces organismes mobilisent plus de 3 500 entrepreneurs et experts chaque année, dont la majorité donne du temps, en plus de bénéficier du soutien de nombreux commanditaires privés qui donnent de l’argent. Ils propulsent des dizaines de milliers d’entrepreneurs à toutes les étapes de leur parcours, via de grandes communautés dynamiques, animées, engagées.
Cette mobilisation du secteur privé permet d’en faire beaucoup plus, à moindre coût.
On lève le nez sur les OBNL?
Cette collaboration entre OBNL, secteur privé et secteur public réduit le coût global de ces activités pour l’État, tout en générant des millions en retombées positives pour les régions et en dynamisant l’entrepreneuriat québécois. Il y a tellement de cœur là-dedans. Tellement d’humains, de vécu, de générosité, de savoir-faire.
Et tout ça est balayé pour 20 millions de dollars pour 3 ans en « fausses économies ».
On élimine un écosystème vivant et essentiel. Comme si le moment était bien choisi! Or, on a plus que jamais besoin de cette richesse collective. De tous les entrepreneurs, petits et grands.
À lui seul, le Programme Persévérance entrepreneuriale, financé à hauteur de 1,6M$ pour 3 ans, génère le 20M$ en retombées fiscales uniquement. Et si, en plus, on vous disait qu’il sauve des vies? Ça vaut combien, ça?
Au net, est-ce une vraie économie d’argent pour l’État?
Bien sûr que non. L’État prévoit investir plus de 20 millions dans un nouveau réseau — Accès PME — pour embaucher deux fonctionnaires par MRC. Deux personnes. Que pourront-elles faire, à deux, comparativement au travail accompli par 3 500 entrepreneurs engagés, expérimentés, enracinés dans leur milieu?
Je doute d’ailleurs que les gens au MEIE soient à l’aise avec ces coupures. En réalité, on diminue leur rôle pour le transférer à d’autres instances tantôt IQ, tantôt les MRC. Je doute également que M. Skeete, ministre délégué à l’Économie, accueille favorablement cette décision imposée par le ministre des Finances. Si j’étais ministre responsable de l’entrepreneuriat, et qu’on m’imposait d’abolir tout un écosystème structuré d’accompagnement entrepreneurial — par manque de vision des banquiers de l’État —, je me battrais avec acharnement pour le défendre.
Monsieur le Premier Ministre, ce sont de fausses économies. Elles nuiront profondément et durablement à l’entrepreneuriat québécois.
L’impact collectif sera irréversible, tant sur la création de richesse que sur l’engagement des milliers d’humains qui croient à ces organismes.
Une tape dans le dos pour poursuivre avec plus de vigueur notre mission cruciale aurait été appréciée.